Actualites/BrevesEconomie

Entrepreneuriat des jeunes: Razack Belemgnégré,de la faculté de Droit à la ferme agroécologique

Il aurait pu continuer ses études en faculté de Droit après sa licence pour devenir juriste. Mais contrairement à bon nombre de ses camarades, Razack Belemgnégré, trentenaire, s’est lancé dans l’agriculture. Connu sous le pseudonyme Paysan africain, Razack Belemgnégré est un spécialiste en agroécologie qui possède sa propre ferme. Dans cette interview qu’il nous a accordée, il nous explique les raisons de son choix pour l’agriculture, ses ambitions et ses projets futurs.

Razack Belemgnégré a abandonné ses études en Droit pour retourner à la Terre

Comment peut-on définir l’agroécologie ?

A la différence de l’agriculture conventionnelle, l’agroécologie est une agriculture qui n’utilise pas de produits chimiques. Autrement dit, l’agroécologie est une technique culturale radicalement opposée à l’agriculture telle que pratiquée habituellement. En substance, c’est un ensemble de pratiques, de savoir-faire local inspiré des lois de la nature, tout en prenant en compte des aspects comme les associations de culture, la fertilité du sol et la protection de l’environnement.

Vous avez une licence en Droit. Vous auriez pu vous porter la robe des avocats ou la toge des magistrats. Mais vous avez décidez autrement en devenant un entrepreneur agricole. Pourquoi cette reconversion ?

Il est vrai que j’ai fait des études en droit mais j’ai dû abandonner pour exploiter la terre qui est une passion pour moi. En fait, je me suis rendu compte à un moment donné et je me suis posé des questions: Est-ce que ce que je fais me plait réellement ? J’ai trouvé que c’est une étude qui me conduit vers un débouché qui ne me plait pas. Je me suis demandé : pourquoi faire une filière qui ne me convient pas? Et dès ce jour, j’ai pris l’engagement d’arrêter les études et faire le métier qui me plait, notamment, l’agriculture. C’est ce métier qui me passionne le plus, et j’ai pris la ferme résolution d’investir dans la terre, d’exploiter la terre, de cultiver la terre et de vivre de façon harmonieuse avec la nature.

D’où est née votre passion pour l’agriculture ?

Je dois vous dire que mes parents sont agriculteurs. Ils m’inspiraient déjà. Quand je les vois en train de récolter le maïs, de produire de la salade, le choux, ça me passionnait. Et dès le bas âge, je m’inspirais déjà de ce qu’ils faisaient. Et étant même à l’école, j’avais déjà commencé à faire de l’exploitation agricole. Quand j’étais en classe de troisième à Bobo-Dioulasso, je faisais la même chose. Pour moi, ce n’est pas un métier que j’apprends aujourd’hui parce que j’avais déjà des notions. Je me suis engagé en me disant qu’à partir d’aujourd’hui, je vais m’investir en agriculture, me donner à fond.

Qu’est-ce qui vous a motivé à persévérer dans ce projet ?

J’avais l’idée mais je n’avais pas les moyens et les soutiens nécessaires. Mais je me suis dit que ma vocation peut m’amener au niveau que j’aspire. Et comme j’ai l’habitude de le dire, tout ce qui est imaginable par l’humain peut est concevable et réalisable par l’humain. C’est ce que je me suis donné comme vocation. Grâce à cette chance, j’ai commencé à travailler avec beaucoup d’organisations, ONG, associations, consultants internationaux en matière d’agroécologie, d’agriculture biologique. En plus, je suis propriétaire de fermes que j’entretiens. A travers ces fermes, on produit des légumes vendus au Burkina Faso et ailleurs dans le monde et même en Europe. Quand je prends par exemple, la fraise biologique, elle part partout dans le monde. Que ce soit des fraises séchées, des solons de fraises, on les vend partout. Nous avons beaucoup de stock d’oignons. Je me suis donné comme passion la nature, la production végétale. Je l’ai embrassée, épousée et aujourd’hui, c’est un métier qui n’a plus de secret pour moi. Cela ne veut pas dire qu’on a forcément besoin d’être agronome, un ingénieur, un docteur agricole pour arriver à un certain objectif donné dans l’agriculture. L’expérience même a démontré que ceux qui viennent de nulle part sont ceux qui réussissent le mieux dans les domaines comme l’agriculture par exemple. Et c’est ce que nous avons voulu démontré aux yeux des jeunes. On a pas forcément besoin d’un diplôme pour s’investir et il ne faut pas se fier à son parcours scolaire ou universitaire pour se dire qu’on doit finir sa vie forcément dans ce sens. Mais je ne dis pas que ceux qui sont restés n’ont pas fait le bon choix mais moi ma vocation était de cultiver la terre. Voilà ce qui m’a motivé à faire cette reconversion. Tout le monde peut le faire.

Comment avez-vous vécu le regard de vos camarades qui vous voyaient retourné à la terre au lieu de poursuivre les études comme eux ?

Ce n’était pas facile je vous dis. Certains de mes anciens camarades disaient déjà que j’ai échoué, il n’a pas de porte de sortie dans la vie, c’est un désespéré. Mais il y avait d’autres aussi qui m’encourageaient et m’aidaient même dans ce que je faisais. Moi je ne voyais pas cela en mal. Et je n’ai pas baissé les bras. C’était même une opportunité pour mieux avancer. Tant qu’il n’y aura pas des négatifs et positifs, vous ne pourrez jamais atteindre vos objectifs dans la vie.

Si c’était à refaire est ce que vous accepteriez encore faire cette reconversion?

Si c’était à refaire, j’allais exactement faire la même chose, seulement que je n’allais plus faire le Droit, j’allais faire des études en agronomie. Je n’ai aucun regret d’avoir abandonné l’université pour exploiter la terre. Je vous fais une confidence : Moi je n’interviens plus assez au Burkina Faso pour mes formations en agroécologie. C’est généralement en Europe, en Afrique de l’Est. Quand je prends le temps de la covid-19 par exemple, j’ai fait plus de vingt vols en une année. Cela ne veut pas dire que j’ai atteint mes objectifs mais je ne suis pas loin de mes objectifs. Le plus important pour moi est de partager mon savoir avec d’autres personnes. Là où je suis, je ne connais pas de prêt en banque et je n’en veux même pas, j’ai une liberté financière.

Quelles ont été les difficultés rencontrées au début ?

Partout dans le monde, n’importe quel métier que vous faites, que vous soyez expert ou autres, il y a toujours des difficultés. Ma difficulté était l’acceptation du monde c’est-à-dire le regard de certains amis et proches. Pour eux qui me voyaient avec mes diplômes, me reconvertir en agriculteur, est pour eux un signe d’échec dans la vie. En plus, j’étais confronté au problème de financement. On parle de l’accès à la terre, c’est aussi une autre difficulté rencontrée. Mais cela n’a pas été un frein pour moi parce que j’étais déterminé.

Quelle est votre vision en matière d’agroécologie ?

La plupart des jeunes s’engagent en agroécologie. Les fermes se créent partout. Des agriculteurs sont formés, ils adoptent les pratiques de l’agroécologie. Il y a des réseaux, des foires, des moments de sensibilisation. C’est cela notre vision, promouvoir l’agroécologie au Burkina et ailleurs. Je pense qu’il y a toujours des gens qui n’ont pas encore compris que l’agriculture est un métier. Je vous dis que l’agriculture est le métier des riches, de ceux qui visent loin. Vous savez, au Burkina Faso, quand vous voyez quelqu’un qui s’investit dans l’agriculture, il y a trois profil. Le premier, il a voyagé et il sait que l’agriculture est un métier, le second, c’est une personne visionnaire et le troisième, c’est un désespéré. Moi je fais partie des visionnaires. Dans mes analyses, j’ai compris que l’agriculture est un métier puisqu’on nourrit le monde. Chaque matin, on peut ne pas acheter du carburant mais on va s’acheter du pain, de la nourriture pour manger. Donc ma vision, c’est de promouvoir cette pratique agricole et nourrir le Burkina Faso

Quelle appréciation faites-vous de l’évolution de l’agroécologie au Burkina Faso ?

L’évolution de l’agroécologie au Burkina Faso est une réalité. Vous voyez déjà l’Etat à travers le ministère de l’Agriculture vient d’adopter la politique nationale d’agroécologie, l’adoption de la charte, la validation, la stratégie de l’agroécologie au Burkina Faso. C’est déjà un grand pas. Il y a plus d’une quarantaine d’années que l’agroécologie était pratiquée au Burkina Faso, mais il n’y avait pas cette partie accompagnement. Par exemple chez moi dans mon centre, je forme chaque trimestre des centaines de jeunes, des stagiaires viennent des universités, Instituts, centres de formation professionnelle.

Pour ceux qui souhaitent suivre votre modèle, quelles sont les aptitudes qu’ils doivent avoir ?

Il faut la passion. Si tu as la passion cela va vous aider à avancer. J’incite la jeunesse surtout ceux qui ont la passion de faire quelque chose, n’écoutez personne. Ce que vous pensez faire et que vous vous dite capable de le faire, il faut passer à l’action. Je ne suis pas aussi en train de dire de ne pas écouter les conseils des devanciers dans le domaine mais je veux dire d’oser mettre en pratique votre idée. En plus, pour entreprendre dans un secteur, il faut s’inspirer de ce qui existe. Il faut aller à la rencontre des mentors, visiter le travail de vos devanciers et s’inspirer de leur modèle.

Serge Ki

Salut! 👋
Ravi de vous retrouver.

Inscrivez-vous pour recevoir instantanément l'actualité national et international dans votre boîte de réception.

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page