
CONFERENCE DE PRESSE « Restitution des résultats du contrôle de la gestion financière et comptable de trois (03) institutions : Présidence du Faso, Primature et Assemblée Nationale »
DECLARATION LIMINAIRE
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DE M. NION PHILIPPE NERI KOUTHON
CONTROLEUR GENERAL D’ETAT
Au nom de notre intégrité, combattons la corruption !
Mesdames et Messieurs les journalistes /
Monsieur le Contrôleur Général d’Etat Adjoint /
Messieurs les Contrôleurs d’Etat de I’ASCE-LC /
Mesdames et Messieurs les collaborateurs de I’ASCE-LC
Messieurs les représentants des Organisations de la Société Civile /
Distingués invités mesdames et messieurs //
Bonjour et merci d’avoir répondu aussi nombreux à notre invitation pour la restitution des résultats de contrôle de la gestion financière et comptable de la Présidence du Faso, de la Primature et de l’Assemblée Nationale.
Avant tout propos, permettez-moi de faire un rappel sur le Contexte Général des audits.
Conformément à l’article 46 alinéa 2 qui dispose que : « I’ASCELC peut être chargée par le Chef de l’Etat, le Chef du Gouvernement, ou le Président de l’Assemblée Nationale, de toute étude ou enquête concourant à l’atteinte des objectifs de lutte contre la corruption et des infractions assimilées », I’ASCE-LC a été saisie par le Chef de l’Etat, pour faire l’audit de structures publiques dont les trois (03) Institutions ci-dessus.
Il convient de rappeler que ces entités n’échappent pas au champ de contrôle de I’ASCE-LC, qui est compétente pour contrôler toutes les Institutions de l’Etat sans exception, conformément à la loi qui la régit. Ce principe étant acquis, pour mener à bien cette mission, l’équipe d’audit a mis en oeuvre les diligences requises en matière d’audit. Pour une meilleure approche des missions, des objectifs d’audit ont été définis.
L’objectif principal de « S’assurer de la bonne gestion des ressources financières et matérielles » des structures publiques. Comme objectifs spécifiques, il s’est agi d’examiner la gestion des marchés publics ; des comptes de dépôt, des régies d’avances, du carburant et des lubrifiants, des frais de mission, des frais de voyage, des rétributions, des dons au bénéfice des Personnes politiquement exposées (PPE), à l’exclusion des dépenses de Personnel et du partenariat public-privé. D’autres objectifs spécifiques ont été définis en fonction de la réalité des structures contrôlées.
Mesdames et messieurs les journalistes /
Distingués invités I
l. SYNTHESE DES IRREGULARITES CONSTATEES DANS LES RAPPORTS DES TROIS INSTITUTIONS
La synthèse des travaux d’audit nous a permis de faire des observations communes aux trois structures en matière de mauvaises pratiques dans la gestion financière et comptable. Il s’agit notamment des irrégularités constatées dans le domaine des commandes publiques, des frais de missions, la gestion des fonds spéciaux, des dons au bénéfice des Personnes politiquement exposées, etc.
Au titre de la Présidence du Faso,
-00 les irrégularités sur les commandes publiques proviennent de la non liquidation des pénalités de retards et du non enregistrement des marchés publics occasionnant des pertes financières respectivement de 76 1 80 776 F CFA et de 204 93 1 782 F CFA, soit un total de 28 1 1 1 2 558 F CFA ;
- les irrégularités sur la gestion des comptes de dépôt portent sur l’absence de justification des opérations et recettes et de dépenses du compte du complexe du Centre International de conférence de Ouaga 2002 pour un montant de 1 76 470 1 56 F CFA et de l’absence de dossiers de paiement pour un montant 89 456 258 F CFA, soit un montant total de 265 926 41 4 F CFA imputable à deux (02) agents publics ;
- les irrégularités dans la gestion du carburant, matérialisées par des sorties irrégulières de carburant au titre du Secrétariat Permanent du Conseil national de lutte contre le Sida et les infections sexuellement transmissibles (SP/CNLS-IST) pour 72 790 050 F CFA, imputable à six (06) agents publics ;
- les irrégularités dans les missions du SP/CNLS-IST marquées par des missions fictives, des chevauchements de missions ou d’activités, de la participation de certaines personnes à plusieurs groupes de travail aux mêmes périodes et souvent dans des localités différentes, de la prise en charge de personnes absentes aux missions. L’incidence financiere de ces irrégularités sont de 26 703 000 F CFA, impliquant seize (16) agents publics ;
- les irrégularités dans l’octroi des rétributions. Elles portent sur le paiement sans base légale de frais de coordination et d’une indemnité de responsabilité des responsables de programme budgétaire, le paiement des personnes participants à plusieurs activités se tenant au même moment dans des localités différentes, le création sans base légale du poste de vice-présidence de groupe de travail et paiement de rétributions au profit du vice-président.
L’incidence financière de ces pratiques de mauvaise gestion est évaluée à 49 205 000 FCFA.
L’incidence totale des irrégularités constatées dans le rapport de contrôle de la gestion financière et comptable de la Présidence du Faso est de 695 737 022 FCFA et imputable à soixante-douze (72) agents publics.
Au titre de la Primature,
Dans la rubrique « contrôle de la commande publique », le rapport a constaté des fractionnements de marchés publics pour les soustraire aux règles qui leur sont normalement applicables. Le total de ces fractionnements de marchés s’élève à 334 996 722 F CFA. D’autres types d’irrégularités ont eu des incidences financières. Il s’agit :
- du non enregistrement des marchés publics occasionnant des pertes financières de 30 1 860 F CFA et imputable à un agent public ;
- de la non correction d’une erreur de calcul du montant d’un marché ayant entraîné une perte financière de 1 308 000 F CFA et imputable à un agent public ;
de l’absence de garantie de bonne exécution de marchés publics, ayant occasionné des pertes financières de 1 3 026 71 0 F CFA due à la non exécution desdits marchés ,
de l’insincérité des prestations exécutées provenant de la nonconformité des certifications de service fait à l’exécution des marchés. L’incidence financière est de 2 41 5 300 F CFA.
Dans la rubrique « contrôle du carburant et des lubrifiants », le rapport fait apparaître des manquants de carburants évalués à la somme de 28 354 009 F CFA et imputable à six (06) agents publics.
Dans la rubrique « contrôle des rétributions servies », le rapport ressort :
- des rétributions irrégulièrement servies pour un montant de 5 81 2 940 F CFA et imputable à cinq (05) agents publics ;
- des avantages en nature irrégulièrement octroyés aux membres du comité national de gestion de la crise de la pandémie du COVID-19 pour un montant de 1 8 800 000 F CFA dont 1 5 600 000 F CFA au titre du carburant et de frais de communication pour les membres et 3 200 000 F CFA au titre du carburant et de frais de communication des non membres.
Dans la rubrique « contrôle des comptes de dépôt », le rapport ressort :
- des irrégularités découlant du cumul de frais de restauration servis alors que des frais de mission sont alloués, d’achat de médicaments, de chevauchements de missions et d’activités, d’absence d’ordre de mission, d’absence de pièces justificatives de dépenses. Ces irrégularités se chiffrent à la somme de 1 218 569 F CFA •
- des irrégularités provenant de la gestion du compte « fonds spéciaux », communément appelé « fonds secrets ». Le total de l’incidence financière est de 1 877 5 1 7 700 F CFA et imputable à des agents publics.
Dans la rubrique « contrôle de la régie d’avances », le rapport ressort des pertes financières évaluées à 4 275 000 F CFA et imputable à deux (02) agents publics.
Au titre de la Primature, les irrégularités ont été à l’origine d’une incidence financière à hauteur de 1 953 030 088 FCFA et imputable à plusieurs agents publics.
A côté de ces irrégularités à incidence financière, le rapport relève une violation par la Primature de la circulaire n o 20 1 9-069 du 1 7 octobre 2019 relative à la réduction du train de vie de l’Etat signée du Premier Ministre relatives à la réduction du train de vie de l’Etat.
Cette pratique a occasionné un gaspillage de ressources financières à 1 1 6 306 3 1 0 FCFA.
Au titre de l’Assemblée Nationale,
Il convient de relever que d’autres objectifs spécifiques ont été définis au regard des constats faits sur le terrain. Il s’agit de l’évaluation du cadre juridique et réglementaire, de l’état d’amortissement des prêts véhicules accordés aux députés et des charges du régime médico-social.
Les irrégularités ressorties dans le rapport portent sur les domaines audités.
Au titre de l’évaluation du cadre juridique et réglementaire, le rapport a relevé le non respect par l’AN des lois régissant la gestion financière et les marchés publics, à savoir la LOLF, la loi portant code de transparence dans la gestion des finances publiques et la loi régissant les marchés publics et leurs textes attenants.
Au titre du contrôle de la « commande publique », les irrégularités concernent :
- le recours abusif à la procédure d’entente directe ;
- des surfacturations de 379 377 630 FCFA ;
la non liquidation des pénalités de retard d’un montant cumulé de 3 1 3 039 3 1 1 F CFA.
Au titre du « contrôle des comptes de dépôt », le rapport a ressorti une série d’irrégularités :
- les paiements injustifiés ou pour lesquels aucune justification n’à été apportée. L’incidence financière est de 7 913 856 1 38 F CFA ;
- des dépenses effectuées sur décisions de déblocage non justifiés pour un montant total de 1 390 489 248 F CFA ;
des pertes de ressources publiques consécutives à des dépôts de fonds dans une banque commerciale. Par cette pratique, 12 099 000 000 F CFA ont été déposé dans une banque sans intérêt avec des frais de plus de 10 000 000 F CFA. La perte financière, calculée à partir du loyer de l’argent (taux d’intérêt légal de la BCEAO sur la période) donne montant de 693 742 71 1 F CFA, imputable à un agent public ;
Insincérité des situations comptables. Les dépenses d’investissement exécutées telles que ressorties dans les comptes de l’AN ne sont pas sincères. Sur un taux d’exécution de 99,28%, le rapport ressort en réalité seulement 23% correspondent à des réalisations effectives ;
Au titre de la gestion des prêts véhicules, le rapport ressort un encours cumulé des et législatures de 1 585 650 000 F CFA. Après les relances de I’ASCE-LC, un montant total de 70 41 5 000 F
CFA à été régularisés par des députés et l’encours restant est de 1 5 1 5 235 000 F CFA dont 34 740 000 FCFA au titre des députés décédés.
Nous profitons de cette passerelle pour inviter les députés qui restent redevables à l’Etat de se mettre en règle ;
– le non respect de la règlementation sur les évacuations sanitaires. Un personne qui n’est ni député, ni fonctionnaire parlementaire a bénéficié de cette prise en charge. De même, des frais de mission ont été servis sans justifications pour 61 860 000 F CFA ;
Au titre du contrôle des missions, le rapport a ressorti :
des paiements pour des missions pour lesquelles il n’existe pas d’ordre de mission. L’incidence financière est de 429 607 000 F CFA en raison de 1 1 227 000 F CFA pour les mission à l’intérieur et de 41 8 380 000 F CFA pour les missions à l’extérieur ;
l’existence d’ordre de mission sans visa dument apposé par les autorités compétentes. L’incidence financière est de 67 1 32 501 F CFA en raison de 60 452 50 1 F CFA pour les mission à l’intérieur et de 6 680 000 F CFA pour les missions à l’extérieur.
Au titre du contrôle « de la gestion des libéralités », le rapport constate que des libéralités ont été irrégulièrement faites et portant sur :
- les subventions accordés aux groupes parlementaires en raison de 5 000 000 FCFA par député débloqué en 5 tranches. En 2020, année d’élection, 3 000 000 FCFA supplémentaires ont été allouées à chaque député. Le rapport fait une annotation particulière sur ce financement déguisé des partis politiques et surtout sur le caractère discriminatoire, équivoques et inappropriés de cette libéralités
- les appuis divers aux activités des députés, à savoir les journées de redevabilité, les financements des députés accordés par le président de l’AN sur demande individuelle de soutien. Ces appuis sont de 386 463 361 F CFA de 20 18 à 2021
- le financement du CORONATHON. Le rapport a salué cette initiative de la représentation. Cependant, en examinant les souscriptions des députés, des irrégularités ont été constatées. Le rapport constate que six (06) chèques des six (06) groupes parlementaires ont été officiellement remis au profit du compte « CORONATHON » en raison de un million (1 000 000) F CFA par député, soit un total de cent vingt-six millions (126 000 000) F CFA. Par la suite, des chèques ont été émis des comptes de l’AN au profit des six (06) groupes parlementaires avec comme libellé « Subvention accordée aux groupes parlementaires pour la prise en charge de leur contribution à la lutte contre le COVID-19 (à titre de régularisation) ».
Je vous informe qu’un député nous a apporté sa quittance de reversement de la somme de un million ( 1 000 000) F CFA suite au communiqué de I’ASCE-LC.
Au titre du contrôle « des rétributions spécifiques », le rapport a constaté que 1 12 sont irréguliers avec une incidence financière de 787 5 19 1 00 F CCFA. Ces irrégularités portent sur des dépenses sans pièces justificatives (37 430 000 F FCFA), des dépenses sans actes de création (234 720 000 F CFA) et des dépenses non éligibles (51 5 369 1 00 F CFA).
Le montant total de l’incidence financière des irrégularités constatées dans le rapport de contrôle de l’AN est de treize milliards six cent seize millions vingt-huit mille six cent trente-neuf (1 3 616 028 639) FCFA.
Il. SUITES RESERVEES AUX CONSTATATIONS FAITES
Les rapports définitifs de contrôle ont été transmis au Président de la Transition, au premier ministre et aux responsables des structures auditées.
Ces rapports connaîtront le traitement suivant :
l. Renseignements judiciaires et mise en oeuvre des investigations sur les faits constatés ,
- Saisine de la Cour des comptes des faits pouvant être qualifiés de fautes de gestion
- Saisine du Ministre chargé des finances pour la mise en jeu de la responsabilité pécuniaire des agents mis en cause ,
- Mesures conservatoires afin de préserver l’intégrité des finances publiques et les intérêts de l’Etat ,
- Plans d’actions à établir par les responsables des structures auditées afin de faciliter le suivi de la mise en oeuvre des recommandations.
Mesdames et Messieurs les journalistes I
Distingués invités /
Ce sont les éléments importants des rapports issus de l’audit des trois Institutions que nous voulions, redevabilité oblige, porter à la connaissance du contribuable.
Tout en restant reconnaissant de votre apport certain à la promotion de la bonne gouvernance et à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées, je voudrais vous réitérer, au nom de l’Institution ASCE-LC et en mon nom propre, la mise à disposition et l’accès aux informations dans la limite des possibilités, mais surtout notre sincère gratitude pour votre forte mobilisation ce jour.
Au nom de notre intégrité, combattons la corruption !
Je vous remercie.